101 mots à sauver du français dAmérique
Je me suis passionné pour le français du Québec, de Terre-Neuve, de Louisiane et d’Acadie. J’ai écouté de vieux terre-neuviens (« j’allions »), des franco-ontariens (ils disent répondeuse pour répondeur), des Fransaskois, des gens du Nouveau-Brunswick et d’Alberta,…
Je me suis demandé à quel point le français avait pénétré le lakota (le « sioux ») , j’ai épuisé la presque totalité des dictionnaires et des ouvrages sur la langue française (dont un de 1550 parlant déjà d’une réforme de l’orthographe) et les découvertes que j’ai faites m’ont émerveillé.
J’ai trouvé des mots qui ont plus de mille ans, des expressions qui remontent à Henri IV, du vocabulaire indien passant auprès du public comme du latin et des dizaines de fautes de français dénoncées tous les jours, qui n’en sont pas.
Je me suis retrouvé à chevaucher dans les plaines, à trouver du français dans le mitchif du Manitoba, du hongrois dans de pseudo-anglicismes, du flamand dans « bibite », du brésilien d’avant la conquête dans « maringouin », des mythes dans « enfirouaper », du français dans « canceller » , « bacon », « lounge » et des mots extraordinaires, oubliés, qu’il suffirait comme des bicyclettes de sortir au soleil pour les faire circuler.
J’en ai parlé hier avec Bernard Pivot, de passage au Salon du Livre, puisque je me suis inspiré de son 100 mots à sauver du français pour mon titre : 101 mots à sauver du français d’Amérique. Il en avait choisi 100 pour faire un chiffre rond, j’en ai pris 101 à cause de la loi 101.
Aimer les mots c’est les chérir tous et il emportait justement dans ses bagages vers la France le Parler franco-acadien que lui avait apporté une admiratrice. Ce geste d’une lectrice résume on ne peut mieux l’urgente nécessité, au Québec et ailleurs en Amérique française, d’être fier de sa langue.
Plutôt que passer son temps à reprocher à des millions de francophones d’employer des mots qui ne sont « pas français » mais que tout le monde comprend et, en critiquant sans cesse leur manière de s’exprimer, les faire tous choisir l’anglais pour avoir enfin la paix au nom de la sauvegarde de la langue française.