D’où vient l’accent des Québécois?

Publié le par Hubert Mansion

 

Si Mme de Pompadour revenait à Versailles, elle serait surprise de l’absence d’odeurs fétides qui y règne et des femmes en short qui la regarderaient se décongeler lentement.  Mais il n’y aurait pas un Français pour la comprendre.

-Y fait frette, farmez la f’nête!

-Qu’est-ce qu’elle a dit? demanderait le Conservateur tout en appelant Sarkozy  pour lui annoncer la nouvelle incroyable du retour de la Pompadour.

-A parle-tu à moé? chuchoterait discrètement un Tremblay à sa femme, croyant assister à une mise en scène historique comme on en voit malheureusement à Québec.

-Kékun a-ti un habi neu?

-Qu’est-ce qu’elle a dit? Qu’est-ce qu’elle a dit?

La Pompadour, ayant entendu Tremblay parler à sa femme car sa décongélation avait commencé par les oreilles,  supplierait aussitôt «st’homme»:

-Allez cri un habi neu! Et ajeter des souyers!

Et l’on verrait Tremblay aller quérir un habit neuf et acheter des souliers sous le regard ébahi de Français apprenant que la Marquise s’exprime avec «un accent de paysan».

Ce n’est pas ce qu’on voit dans les films «historiques» où les duchesses parlent comme au journal de TF1: mais c’est pourtant la vérité.  Et l’un des grands mérites de l’ouvrage «D’où vient l’accent des Québécois» est, à propos d’accent, de remettre les points sur les «i».

L’auteur, Jean-Denis Gendron, professeur émérite de l’Université Laval (Québec), démonte avec brio les idées reçues sur la prononciation canadienne française. Non, elle n’est pas celle des «paysans», ni des Normands comme le disent souvent les touristes. C’est, en gros, celle de l’usage commun, toutes classes confondues, d’avant la Révolution. À preuve, les remarques des voyageurs français en Nouvelle-France:  «Il n’y a pas d’accent au Canada» dit un Jésuite dans un concert unanime. «On y parle un français aussi pur qu’à Paris» affirme en substance un autre observateur.

Après la Révolution et jusqu’à aujourd’hui, les remarques sur l’accent québécois, au contraire, pleuvent. Que s’est-il passé? Un remaniement profond de l’accent, sous la pression de la bourgeoisie parisienne. Autour de 1789, explique Gendron, une nouvelle norme phonétique s’installe progressivement à Paris puis en France, pour des raisons exposées en détail dans l’ouvrage. Le Canada, au contraire, maintient la tradition ancestrale. Chateaubriand l’avait noté: «À  peine entendons-nous parler dans quelque bourgade du Canada et de la Louisiane… la langue de Colbert et de Louis XIV».  Dommage que les Québécois ne le sachent pas.

Jean-Denis Gendron, D’où vient l’accent des Québécois, Presses Universitaires de Laval, 2008



Photo 1 - Louise Leblanc
Québec historique (Hilton Québec)

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C
accent parfois terrible effectivement
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